Le jeu sans victoire
« Je ne sais quel peuple africain se passionne pour le football, mais a apporté à la règle du jeu une légère modification : lorsqu’un joueur de l’équipe A marque un but contre l’équipe B, il va aussitôt jouer dans cette équipe B, en échange d’un membre de celle-ci. L’intérêt du spectacle est ainsi prolongé.» Albert Jacquard, Abécédaire de l’ambiguïté, 1989.
Il s’agit en fait des indiens Morés, au Brésil.1
« Tout jeu se définit par l’ensemble de ses règles, qui rendent possible un nombre pratiquement illimité de parties; mais le rite, qui se “joue” aussi, ressemble plutôt à une partie privilégiée, retenue entre tous les possibles parce qu’elle seule résulte dans un certain type d’équilibre entre les deux camps. La transposition est aisément vérifiable dans le cas des Gahuku-Gama de Nouvelle-Guinée, qui ont appris le football, mais qui jouent, plusieurs jours de suite, autant de parties qu’il est nécessaire pour que s’équilibrent exactement celles perdues et gagnées par chaque camp, ce qui est traiter un jeu comme un rite.» Claude Levi-Strauss, La pensée sauvage, 1962
1. Alfred Métraux, Jacques Meunier, Les Indiens de l’Amérique du Sud, éd. Métailié, Paris, 1982, p. 133.